23/10/2024 | Article nº 2 | Dans Morale

Se former ce n'est pas s'entraîner, c'est faire mieux et être meilleurs

Lorsque nous parlons de formation, nous parlons généralement d'entrainement. Mais si nous voulons apprendre, nous devons abandonner l'idée que les problèmes sont résolus par des recettes et des procédures. Apprendre, c'est apprendre à résoudre des problèmes en les comprenant et en les surmontant. Et pour cela, nous devons comprendre qu'il ne s'agit pas seulement de faire mieux, mais aussi d'être meilleur.

S'entrainer n'est pas apprendre

Comprendre et mémoriser un protocole, une procédure ou une recette n'est pas un apprentissage. C'est de l'entrainement.

Nous sommes formés, et il est nécessaire que nous le soyons, lorsqu'il s'agit d'appliquer un ensemble d'étapes et de solutions. Cela a du sens dans tous ces processus mécaniques qui, d'une manière ou d'une autre, pourraient ou pourront, à un moment donné, être réalisés par une machine, un mécanisme ou un programme.

Par exemple, changer de vitesse dans une voiture, utiliser une certaine machine ou un certain logiciel, effectuer une tâche mécanique ou s'insérer dans les procédures d'une organisation.

Apprendre, c'est autre chose. Et pour l'instant, et pour longtemps encore, c'est exclusivement humain. Une IA n'apprend pas, elle est entraînée à analyser des procédures existantes, à synthétiser le résultat en solutions possibles à ce que l'on cherche et, dans certains cas, à les appliquer.

Qu'est-ce apprendre ?

Apprendre, c'est acquérir le type de compréhension nécessaire pour pouvoir concevoir une procédure ad hoc ou un groupe de procédures pour résoudre un type de problème.

Si, pour utiliser des procédures déterminées, on s'entraîne, pour résoudre une famille de problèmes, souvent au cas par cas, nous en apprenons les fondements et la technique, l'art de les résoudre.

L'application de la formation est identique (uniforme) et prévisible, mais chaque application de l'apprentissage est, dans une certaine mesure, particulière et distinctive. Lorsque nous avons été entraînés, nous pouvons appliquer ; lorsque nous avons appris, nous pouvons innover.

Que signifie «la formation au coopérativisme»?

Légaliser une coopérative, c'est accomplir une série d'actes toujours identiques dans un ordre prédéterminé. C'est le cas de certaines activités nécessaires pour qu'une coopérative se conforme au cadre juridique : paiement des impôts, dépôt des comptes, etc.

C'est aussi le cas, ou cela pourrait être aussi le cas, lors de l'élaboration de certains types de rapports ou la rédaction de propositions commerciales. Mais pas de la construction de la proposition en elle-même. Vendre est un art, pas le résultat de l'application d'une recette.

La vente est un exemple important car elle nous révèle une différence fondamentale entre les types de choses pour lesquelles nous pouvons nous entraîner ou être entraînés et celles pour lesquelles il est nécessaire d'apprendre, où la formation implique d'enseigner des choses plus profondes et générales.

Vendre, ce n'est pas décrire un produit et son prix. Ça, c'est communiquer une offre. Vendre, c'est :

  1. Comprendre les besoins légitimes de l'acheteur.
  2. Découvrir comment ce que nous produisons peut l'aider à les satisfaire.
  3. Construire une offre à partir de ces deux éléments.
  4. Transmettre cette offre à l'acheteur de la manière la plus claire et honnête possible, non seulement dans le but de conclure la vente, mais en gardant à l'esprit que le résultat final qu'il recevra doit le satisfaire.

Un centre d'appels peut transmettre une offre, mais on ne peut pas lui demander de réaliser une vente. Cependant, on forme les vendeurs téléphoniques à une série de protocoles et de techniques de vente de produits standardisés ou peu personnalisables dans le but de formaliser une méthode de travail, standardiser le processus et d'augmenter l'échelle de vente.

Mais si l'on sort du monde des produits physiques et des services standardisés, les recettes et techniques de vente ont les ailes courtes.

Les protocoles de vente considèrent seulement que l'acheteur est capable de répondre de manière limitée au vendeur. Ils partent du principe que les besoins de l'acheteur seront satisfaits par l'offre ou simplement que ces besoins n'ont pas d'importance pour le vendeur car c'est la responsabilité du client de les avoir en tête.

Cette vision, qui oblige le vendeur à limiter la relation avec l'acheteur à des termes très basiques, est avant tout une perspective (im)morale. Et c'est cette contrainte qui transforme souvent les techniques de vente en formes de coercition et de chantage affectif.

La vente, en réalité, n'est pas un protocole, un arbre de décision dans le style du protocole d'un vendeur de centre d'appel; c'est l'art de comprendre si ce que nous avons à offrir peut être une solution efficace pour l'acheteur potentiel et ce que notre organisation devrait faire pour y parvenir.

Vendre, c'est écouter l'acheteur potentiel, comprendre les besoins qu'il perçoit, les besoins qu'il ne perçoit peut-être pas, le pourquoi et le comment des solutions qu'il recherche et, d'autre part, comprendre notre propre organisation et ce qu'elle peut offrir. Et cela ne peut se réduire à un protocole auquel on peut former n'importe qui. On apprend à le faire en le faisant, c'est un métier, c'est un art.

La peur et la méfiance

La tentative de remplacer l'apprentissage par l'entrainement est toujours sous-tendue par la peur et la méfiance. La méfiance de l'organisation à l'égard des capacités des personnes à qui elle confie quelque chose. La crainte de ces personnes de ne pas être en mesure de bien faire les choses.

En résumant tout à des procédures et à des protocoles, chacun se sent plus en sécurité... parce qu'il n'affronte pas ses peurs et n'accepte pas la responsabilité de surmonter les conditions qui les sous-tendent.

Les entreprises sont heureuses de ne pas avoir à investir dans l'apprentissage des personnes. Leur peur de l'échec facilitera également le maintien de hiérarchies inutiles.

Les travailleurs accepteront volontiers une procédure mécanique qui limite leur responsabilité et leur permet d'éviter des engagements supplémentaires et de ne pas avoir à craindre leurs propres limites. Lorsque le protocole produit trop d'erreurs, ils demanderont davantage de formation.

Le modèle économique dominant est basé sur la peur et la méfiance, mais s'il n'est pas remis en cause, les solutions deviendront de plus en plus inhumaines et précaires. Et, surprise, elles affaibliront l'entreprise.

Boeing est un bon exemple de la façon dont cela peut aller jusqu'à constituer un danger social, mais il n'est pas nécessaire d'aller jusqu'à l'extrême. Nous avons tous en tête le souvenir de produits qui ont cessé d'être comme avant lorsque l'entreprise qui les fabriquait s'est mise à indistrialiser à grande échelle et a procédé à des transformations excessives. Certains ont disparu, d'autres survivent, mais ils ne sont plus les mêmes.

La formation coopérative est le dépassement de la peur

N'importe quel manager nous dirait que la solidité d'une entreprise réside précisément dans le fait de fonctionner sur la base de la peur et de la méfiance, car elle peut ainsi intégrer chacun tel qu'il est, sans qu'il ait besoin de s'améliorer. L'idée d'une entreprise et d'un mode de travail véritablement humains lui paraîtrait utopique, car elle nécessiterait beaucoup de main-d'œuvre et serait coûteuse.

Par conséquent, pour une coopérative de travail associé, accepter la peur et la méfiance comme fondements d'une coopérative, c'est se dénaturer.

La formation coopérative consiste à fournir les moyens et les connaissances nécessaires pour que chacun puisse surmonter ses craintes face aux défis quotidiens de la production, de la vente et du service à la communauté élargie dans laquelle nous vivons. Même si nous devons aussi entraîner et être entraîner pour réaliser des tâches mécaniques, la formation coopérative ne peut être qu'une organisation collective de l'apprentissage de tout ce qui compte vraiment.

Cela signifie que la formation coopérative ne peut se limiter à la transmission de connaissances. Elle doit aussi intégrer l'accompagnement et l'encouragement. Elle ne peut pas se concentrer exclusivement sur les compétences, mais sur les attitudes et surtout sur la relation de chaque individu avec lui-même, avec la communauté de travail et avec la communauté qui l'entoure..

La formation coopérative, pour être utile, doit nous aider à être meilleurs car, dans un cadre communautaire, sans être meilleurs, nous ne pouvons pas faire mieux.

Cet article a également été publié en anglaise sous le titre «Education is not training, it is about doing and being better» et en espagnol sous le titre «Formación no es adiestramiento, es hacer y ser mejores»
Laissez vos commentaires dans notre groupe de discussion sur Telegram